Le Schnorkel


Développé à l'origine pour les sous-marins, ce système permet l'utilisation d'un moteur thermique sous l'eau. Un moteur pour fonctionner a besoin d'un renouvellement en air constant et l'évacuation des gaz d'échappement. Sans schnorkel, un sous-marin en immersion peu profonde est donc obligé de fonctionner sur ses batteries électriques, d'une courte autonomie et d'une puissance moindre. La solution est trouvée par l'adoption de tubes télescopiques sur  l'arrivée d'air et sur la sortie d'échappement reliant le bâtiment à la surface. Le moteur thermique peut donc toujours fonctionner alors que le sous-marin est immergé.

Schéma de fonctionnement des schnorkels. En bleu l'air frais, en rouge les gaz d'échappement
Schéma de fonctionnement des schnorkels. En bleu l'air frais, en rouge les gaz d'échappement

Cette technologique a aussi trouvé son utilité dans le domaine des blindés. La première utilisation opérationnelle du système schnorkel tel que nous le connaissons est avérée lors du débarquement raté de Dieppe en 1942. Monté sur les 60 chars Churchill, le système se compose de deux tubes coudés sortant de la plage moteur évacuant les gaz d'échappement. Afin de rendre le système pleinement fonctionnel, il est toutefois nécessaire d'étanchéifier le blindé. Ainsi, les entrées d'air classiques sont bouchées, le masque du canon et les mitrailleuses sont recouverts d'une bâche étanche et enfin, l'anneau de tourelle doit recevoir un joint gonflant. Précisons tout de même que ces Churchill n'ont pas été prévu pour une submersion totale et qu'il est probable que les modifications aient été minimes.

Première utilisation opérationnelle du système, qui ne garantira pas le succès de l'opération
Première utilisation opérationnelle du système, qui ne garantira pas le succès de l'opération

Une autre opération d'envergure a également eu recourt aux chars équipés de schnorkel, l'opération Overload, ou plus précisément le débarquement allié de Normandie le 6 juin 1944. Il s'agit cette fois de chars Sherman, à l'allure bien distinct des modèles normaux. Ces célèbres "D-Day Tank" abordent 2 volumineuses conduites d'air sur la plage moteur en forme de cheminée. La conduite avant, a proximité de la tourelle, amène l'air au moteur tandis la conduite arrière relâche les gaz d'échappement. Ce système, sur mer calme s'est révélé efficace sur la plage portant le nom de code UTAH et permit aux troupes au sol de disposer de l'appui feu des chars pour prendre rapidement la plage. A OMAHA, l'issue sera bien différente... Encore une fois, il s'agit d'un système permettant au blindé d'avancer dans une profondeur d'eau relativement faible, au niveau de la base de la tourelle environ, et ne permet pas d'immersion totale.

Les Sherman participants au débarquement sont facilement identifiables par leurs deux schnorkels atypiques
Les Sherman participants au débarquement sont facilement identifiables par leurs deux schnorkels atypiques

Avant l'utilisation d'un schnorkel classique par les Alliés, l'armée allemande avait déjà expérimenté son propre système. Ce dernier doit être la solution à l'Opération Seelowe, l'invasion de la Grande Bretagne. L'invasion étant fixée au 17 septembre 1940, il est d'une priorité absolue de trouver un moyen efficace et rapide d'acheminer les panzerdivisionen sur le territoire britannique. Cette solution a un nom : les Tauchpanzers. Le plan prévoit de débarquer les chars au large de l'ile et de les laisser prendre pied par leur propre moyen en suivant le fond de l'eau. Pour se faire, une immersion totale à 15 mètres de profondeur est prévue. Durant le mois de juillet 1940, 168 Panzer III de tous types, 42 Panzer IV et 8 Befehlspanzer III sont modifiés pour participer à l'opération. Comme précisé plus haut dans la chronique, le canon, les mitrailleuses et le tourelleau sont recouvert d'une housse étanche tandis qu'un joint gonflable étanchéifie la tourelle avec la caisse. Les tuyaux d'échappement sont également dotés d'un clapet anti-retour pour empêcher l'eau de rentrer dans le moteur et laisser s'échapper normalement les gaz d'échappement. L'arrivée d'air du moteur consiste en un long tuyau de 18 mètres de long passant par la tourelle et relié à une bouée à la surface de l'eau. Un système de radio-guidage et un gyroscope permettent la navigation car l'équipage ne dispose que de 20 minutes d'autonomie d'air, théoriquement suffisant pour rejoindre les plages anglaises. En effet, l'air frais arrivant par le schnorkel n'alimente que le moteur. En cas de mauvaise étanchéité, l'équipage possède également une pompe manuelle permettant de chasser l'eau qui se serait infiltrée. Une fois à l'air libre, le char retrouve tout son potentiel en se débarrassant de tous ses équipements grâce à des charges explosives de faible puissance. Ce système en théorie prometteur, quoi que très dangereux pour les équipages fut abandonné lorsque l'Allemagne perdit la bataille d'Angleterre et mit fin à son désir d'invasion outre-manche.

Les deux clapets anti-retour sont clairement visibles sur les échappements de ce Panzer III ainsi que le long tuyau d'arrivée d'air relié à une bouée
Les deux clapets anti-retour sont clairement visibles sur les échappements de ce Panzer III ainsi que le long tuyau d'arrivée d'air relié à une bouée

L'Allemagne a aussi imaginé le schnorkel comme équipement de série lors de l'élaboration d'un de ses chars de combat. Et c'est au char Tigre que l'on doit cette adaptation telle que nous la connaissons aujourd'hui. Prévu dès le départ comme un char lourd, le char Tigre a vu son poids s'envoler au fur et à mesure de sa mise au point. Ne devant peser que 30 tonnes, c'est lourd de 56 tonnes qu'il quitte les chaines de montage. Un problème est alors mis en évidence : très peu de ponts sont capables en 1942 de supporter une telle masse. Le Tigre doit donc s'affranchir des coupures humides tout seul. La solution est trouvée par l'ajout d'un tube télescopique de série, non amovible, entre les deux pots d'échappement. La haute qualité de fabrication du char lui permet une immersion totale sans d'autres modifications. Toutefois, l'adoption du schnorkel de série est abandonnée, ce qui va occasionner des difficultés tactiques au Tigre, notamment en Normandie. La solution s'est également imposée sur le super char lourd Maus et ses 188 tonnes, pour qui les ponts n'auraient pas été en mesure de soutenir sa masse démesurée.

Présentation du prototype du char Tigre de Henschel avec son schnorkel de série
Présentation du prototype du char Tigre de Henschel avec son schnorkel de série

De nos jours, une grande partie des Main Battle Tank ( MBT ) a été pensé pour l'utilisation de schnorkel. Durant la guerre froide, tous les chars de l'Armée Rouge prévoient son utilisation. Il ne s'agit plus d'une question pratique de poids mais d'une question stratégique. Les Soviétiques prédisent, en cas de conflit, que la grande majorité des ponts seront détruits. Avec un schnorkel de série, le problème est anticipé et offre aux chars de l'armée Rouge la possibilité de poursuivre une éventuelle percée sans ralentissement. On retrouve également les schnorkels sur les chars de l'OTAN comme le Léopard 2 ou le char Leclerc, preuve de l'avantage tactique que ce système offre. Si le fonctionnement général reste identique à celui du prototype du Tigre d'Henschel, le ou les tubes télescopiques, suivant la configuration du blindé, sont maintenant amovibles et sont la plupart du temps transportés sur les blindés et mis rapidement en place au besoin, leur assurant une haute adaptabilité sur le terrain.

Ces TAM argentins effectuent un exercice de franchissement. Le chef de char prend place au dessus du schnorkel et guide son pilote lors de la traversée
Ces TAM argentins effectuent un exercice de franchissement. Le chef de char prend place au dessus du schnorkel et guide son pilote lors de la traversée

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