Grandes ambitions


Le cahier des charges stipule que le futur char de rupture devra être capable de traverser un champs de mine sans subir de dommages lourds et de résister aussi bien aux obus antichars allemands qu'aux roquettes à charge creuse, les nouveaux et déjà célèbres panzerfausts. De plus, au fur et à mesure que se précise le choix du canon, il devient évident que le compartiment de combat devra être le plus vaste possible pour accueillir une pièce suffisamment puissante pour venir à bout des bunkers et des panzers lourds. Le poids des premiers projets tournent déjà aux alentours des 45 tonnes, ce qui est déjà considérable en 1943 et qui provoque des difficultés tactiques notamment au moment de traverser un pont.

Les ingénieurs vont sans vergogne augmenter encore l'épaisseur du blindage si bien que les prototypes suivants fixent la balance à 79,2 tonnes en ordre de combat ! Désormais, l'engin affiche une protection record de 279 mm au niveau du masque du canon et du poste de pilotage. Le reste du blindage frontal atteint la valeur tout aussi respectable de 228 mm. Contrairement aux allemands, qui sacrifient une partie de la protection latérale de leurs blindés, les flancs du Tortoise font 152 mm d'épaisseur. Il devient ainsi le char le plus résistant du moment et une véritable forteresse sur chenilles.

La démesure incarnée
La démesure incarnée

Ses dimensions sont à l'unisson de son poids. Avec 10 mètres de long sur 3 mètres de haut et 3,9 mètres de large, sa taille est comparable à celle du JagdTiger allemand. D'ailleurs, comme pour son adversaire, une telle masse pose de nombreux problèmes notamment celui de la motorisation. Il n'existe en effet aucune motorisation terrestre capable de mouvoir un tel monstre. Comme souvent, le salut vient du ciel grâce au fameux moteur "Meteor" Rolls Royce Merlin de 26 litres de cylindrée équipant les chasseurs Spitfire. Pour fiabiliser ce dernier, le gros V12 est dégonflé à 600 cv. Conformément aux attentes, cette solution se révèle judicieuse et le blindé fait preuve d'une étonnante endurance mécanique. En contrepartie, le rapport poids/puissance de 7,8 cv/t est ridicule, au point que les performances sont à peine dignes d'un Mark IV de la première guerre mondiale.

Le Tortoise, sous son aspect trapu, n'en reste pas moins d'une taille impressionnante
Le Tortoise, sous son aspect trapu, n'en reste pas moins d'une taille impressionnante

La vitesse maximale ne dépasse pas les 19 km/h sur route et, les 10 km/h en tout terrain ne sont pratiquement jamais atteints. Ainsi, la vitesse moyenne s'établit autour de 6 km/h, ce qui peut sembler suffisant pour un char de rupture. Sollicité à son maximum, le moteur se révèle alors très gourmand si bien qu'il peine à atteindre les  70 km d'autonomie, tous pleins faits ! La situation ne s'arrange évidemment pas en tout terrain puisque les 40 km ne sont jamais dépassés.

Pour assurer un semblant de mobilité à ce cuirassé terrestre, les ingénieurs vont développer des suspensions à la fois capables de supporter les 80 tonnes du Tortoise et de résister aux explosions répétées des mines allemandes. Cette suspension à barres de torsion consiste en une association de bogies disposés face à face. Indépendantes les unes des autres, elles permettent de bien répartir la masse considérable du blindé et d'autre part de mieux encaisser les déflagrations, en théorie. Pour améliorer la résistance du train de roulement, des absorbeurs de chocs sont installés à intervalles réguliers.

La complexité du train de roulement est sans précédent, un handicap non négligeable pour un entretien sur le terrain
La complexité du train de roulement est sans précédent, un handicap non négligeable pour un entretien sur le terrain

A l'usage, le Tortoire est étonnamment doux à piloter d'après ses pilotes. Mais cette technique sophistiquée est en contrepartie d'une rare complexité, à tel point qu'il existe pas moins de 200 points de graissage pour assurer son bon fonctionnement.


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