Sur la planche à dessin


Le 28 janvier 1931, les bureaux d’études VOAO ( abréviation soviétique pour Administration des Arsenaux Pan-Union ) sont créés. Sous l’égide de Guinsburg, son adjoint Vladimir Zaslavski et les ingénieurs Gakkel et Ivanov, le projet est lancé avec des critères très proches de ceux du Vickers A6 : le blindage frontal doit atteindre 20 mm et 16 à 17 mm pour le reste du blindé. Le poids est fixé à 16 tonnes. Une pièce de 45 mm et une mitrailleuse doivent intégrer la tourelle principale, soutenue par 2 petites tourelles équipées d’une mitrailleuse indépendante à l’avant du véhicule.

Côté motorisation, un V12 essence développant 400 chevaux est prévu, identique à celui équipant les nouveaux chars rapides BT. Sur ce point, les ingénieurs du VOAO ont reçu la consigne de reprendre un maximum d’éléments utilisés à bord des nouveaux T-26 et BT, de façon à rationaliser la production.

La section «motorisation et mécanique» de l’Académie militaire de l’Armée rouge à Moscou se voit également confier le projet, suivant des critères identiques. A cette même époque, un engin particulièrement étonnant est développé par une équipe germano-soviétique dirigé par l’ingénieur allemand Edward Grotte. Désigné «Tank Grotte» ( ou TG ), ce blindé est mis au point dans le plus grand secret, et ce, plus ou moins en parallèle du T-28.

Démesure ou ultramodernisme, le Tank Grotte ne séduira pourtant pas Moscou
Démesure ou ultramodernisme, le Tank Grotte ne séduira pourtant pas Moscou

Particulièrement innovant, le TG dispose d’une casemate dans laquelle est installée une pièce de 76,2 mm A-19, 2 mitrailleuses frontales ( de part et d’autre du poste conducteur ) et 3 mitrailleuses montées sur rotules blindées sur les flancs et l’arrière. Un canon de 37 mm PS-1 est installé dans une tourelle rotative au-dessus de la casemate, complétant ainsi un armement particulièrement étoffé et puissant. Côté  motorisation, Grotte prévoit un bloc 8 cylindres et une transmission conçus par ses soins, ainsi qu’une assistance pneumatique à la direction. Ces équipements, aussi modernes que complexes, sont fragiles et ne sont pas prêts à temps. A la pointe du modernisme, le TG s’éloigne du concept du char multitourelle pour une configuration qui reste, encore à ce jour, unique.

Dessin particulièrement surprenant pour ce blindé qui ne passera pas l'étape de prototype
Dessin particulièrement surprenant pour ce blindé qui ne passera pas l'étape de prototype

Le prototype est présenté en avril 1931 et les essais se déroulent durant l’été. Toutefois, les retards, la fiabilité relative, la maladie de Grotte, le coût du projet, autant d’éléments qui poussent Moscou à abandonner cette proposition , pourtant prometteuse, au profit du T-28, bien plus conventionnel. Si le programme TG avait abouti, celui-ci serait sûrement rentré en concurrence avec le T-28. Mais, trop en avance sur son temps, le TG ne connaît pas de suite et Edward Grotte est reconduit en Allemagne.

De son côté, le projet du VOAO de Guinsburg bat son plein. En juillet 1931, les bureaux présentent leurs études et sont validées le 28 septembre. Les calendriers prévoient la livraison du premier démonstrateur le 1er mai 1932, date plus ou moins respectée, puisque le prototype T-28-1 est terminé le 29 mai, avec une présentation aux officiers de l’Armée Rouge le 11 juin.

Il se distingue par l’adoption d’un nouveau moteur, dégonflé à 500 chevaux et, faute d’un nombre suffisant de pièce de 45 mm, d’un canon de 37 mm PS-2, moins puissant, mais tout de même crédité de 35 mm d’acier perforés à 500 mètres. Relativement satisfait, les officiels soviétiques réclament un bloc moteur plus puissant et diesel ( la remotorisation n’aura jamais lieu ), un armement principal accru et l’amélioration du champs de vision de l’équipage.

Le prototype du T-28 reprend les grandes lignes du char britannique de Vickers
Le prototype du T-28 reprend les grandes lignes du char britannique de Vickers

Afin de satisfaire ces demandes, les plans sont alors entièrement revus, mais la réalisation du second prototype est annulée suite à la décision du Conseil aux affaires militaires du Conseil de commissaires du peuple de lancer immédiatement la production en série du T-28. Parmi les possibles raisons de cette commande soudaine, les rapports inquiétants des services de renseignements concernant le réarmement de la Pologne, perçue comme le principal ennemi de l’Armée Rouge.


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