La reine déchue


Les méthodes de combat étudiées dans les exercices impliquent un appui rapproché et une étroite coordination avec les fantassins. Les tactiques consistent à avancer par vague, à la vitesse de l’infanterie, pour ouvrir la voie ou encore à progresser par bonds successifs pour arriver sur l’objectif juste avant l’infanterie. Le but étant de toujours prendre à partie les points clés du dispositif ennemi et de les réduire afin de minimiser les pertes des combattants à pied. Le rôle des chars évolue cependant avec l’arrivée du Matilda Mk II, lui conférant une capacité antichar supplémentaire. Notons qu’au lieu d’utiliser la nomenclature propre à la cavalerie, le vocabulaire désignant l’organisation des unités correspond à celui de l’infanterie, ceci dans le but de bien insister sur la prédominance de cette dernière sur l’emploi des blindés qui l’appuient.

Chaque régiment reçoit 50 chars Matilda I ou II pour la campagne de France. Après celle ci, les unités sont reconstituée à neuf uniquement avec des Matilda II. Ils prennent ainsi part à l’offensive de Wavell contre la Cyrénaïque italienne en Egypte. Les chars y font un véritable massacre car ils sont virtuellement immunisés contre les armes antichars italiennes du Duce. Contre les défenses plus puissantes de Tobrouk, les Matilda en fer de lance réduisent rapidement la garnison. Ces succès valent au char d’infanterie le surnom de «Reine du champs de bataille.

Ces Matilda engagés en Afrique du Nord vont dominer le terrain avant la généralisation des puissants canons de 88 mm allemands
Ces Matilda engagés en Afrique du Nord vont dominer le terrain avant la généralisation des puissants canons de 88 mm allemands

Cependant, dès 1941, juste après la bataille de Solloum, Rommel, qui a été fortement impressionné par le Matilda à Arras, note dans ses carnets : « Nos adversaires avaient utilisé un grand nombre de chars Mark II ( comprendre Matilda II ) dont l’épais blindage était invulnérable à la plupart de nos armes antichars. Toutefois, les canons dont ces chars étaient munis n’avaient qu’une portée et un calibre insuffisants et ils ne tiraient que des projectiles pleins, réservés à la destruction des blindages. Il serait intéressant de savoir pourquoi ces Mark II étaient considérés par les Britanniques comme des chars d’accompagnement d’infanterie étant donné qu’ils étaient ainsi incapables de tirer des obus explosifs pour combattre l’infanterie. De plus, comme je l’ai déjà dit, ces chars étaient beaucoup trop lents et le commandement ne pouvait guère s’en servir que pour effectuer une percée dans des concentrations statiques.».

Cliché insolite d'un Matilda capturé par les allemands retournant à ses premiers propriétaires
Cliché insolite d'un Matilda capturé par les allemands retournant à ses premiers propriétaires

Ces considérations sont en contradiction avec la vision que le stratège allemand avait du Matilda au moment de la bataille du 21 mai 1940 et démontrent ainsi l’érosion de la valeur militaire du Matilda. Faits qui n’ont pas échappé au commandement britannique qui intègre ainsi deux Matilda équipés de l’obusier CS dans les compagnies de commandement. Néanmoins, la puissance explosive des munitions de cette pièce est nettement insuffisante et ils sont le plus souvent utilisés pour générer des écrans de fumée facilitant les replis.

Dès l’automne 1941, les allemands généralisent l’emploi du puissant Flak 18 de 88 mm capable de détruire n’importe quel blindé à distance confortable contre les chars alliés. De par sa lenteur, le Matilda devient extrêmement vulnérable même si l’Africa-Korps n’a pas encore de blindés capables de lui tenir tête lors d’affrontement isolés. Il faut attendre l’arrivée du Panzer III ausf J armé d’un canon long de 50 mm pour rétablir l’équilibre en faveur de l’armée germano-italienne.

La parade allemande est sans appel et rapidement, le Matilda prend le rôle de cible plutôt que de chasseur
La parade allemande est sans appel et rapidement, le Matilda prend le rôle de cible plutôt que de chasseur

La fin du règne s’annonce désormais pour la «Reine du champs de bataille», cependant le manque de fiabilité du Crusader et le fait qu’aucun autre char en production ne puisse remplacer le Matilda, celui-ci est maintenu en première ligne. Finalement, le char ne sera retiré de la ligne de front qu’en juillet 1942 mais restera en production jusqu’en août 1943. Les Matilda sortant des chaînes de production étant envoyés en Union Soviétique ou bien en Australie afin de combattre les Japonais dans le Pacifique. Au total, 2987 Matilda A12 toutes versions confondues auront été produits.


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