Le projet, basé sur la proposition d’Hobart, commence à prendre forme le 3 octobre 1935 quand le chef du bureau d’étude de Vickers, Sir John Carden, dessine un premier croquis du futur blindé. La petite histoire voudrait que ce schéma ait été réalisé sur le coin d’une nappe en papier dans la cafeteria de la firme Vickers.
Techniquement, il s’agit d’un véhicule biplace armé d’une mitrailleuse. Son train de roulement est constitué de quatre jeux de bogies Vickers à double ressorts similaires à ceux que l’on retrouvera plus tard sur les Bren Carriers. Les détails du crayonné de Carden montrent très clairement la nécessité de pouvoir franchir une tranchée d'environ 2 m de large. C’est semble-t-il l’une des principales considérations imposées à l’inventeur. La longueur du blindé est un facteur sur lequel il joue pour atteindre cette performance.
Une semaine plus tard, Carden rencontre Studd, l’assistant du directeur de la mécanisation. A l’issue de cette réunion, les bases du premier Infantery Tank sont jetées. Le croquis de l'ingénieur en chef de Vickers fait penser à un canard présent dans un dessin animé de l’époque. Il est vrai que l’esquisse du char ressemble furieusement à l’un de ces animaux, notamment son arrière train proéminent et sa tourelle en forme de crâne...la mitrailleuse faisant office de bec. Le petit canard du dessin animé étant baptisé Matilda (McDuck ou Picsou en France), il n’en vaut pas plus pour que ce prénom devienne le nom de code du nouveau blindé britannique.
La lecture des notes prises pendant l’entrevue nous apprend, entre autres choses, que le prix prévu par le concepteur pour un premier prototype en acier doux s’élève à 15000 livres sterling. En outre, la vitesse de croisière demandée est de 8 km/h, soit la vitesse d’un homme marchant au pas, et que le blindé peut faire des pointes à 13 km/h. L’équipage sera constitué de 2 hommes, dont l’un manipulera une mitrailleuse calibre 7,7 mm. La tourelle est moulée. Aucune radio n’est prévue, à quoi bon d’ailleurs, puisque les Matilda combattront en groupe et selon un dispositif resserré. Il est envisageable de monter un canon mais cette modification n’est pas considérée comme urgente par les autorités militaires anglaises. Stubb exige que le secret soit de rigueur et que le prix des modèles de séries soit abaissé à 5000 livres sterling maximum.
En lisant entre les lignes, l’on peut en déduire plusieurs volontés conceptuelles dans cette première liste de spécifications. Tout d’abord, la vitesse fait du Matilda un char devant rouler au pas de l’infanterie. L’absence de radio peut s’expliquer par le fait que ces engins sont prévus pour évoluer en grand nombre et à courte distance les uns des autres. Un tel moyen de communication est donc superflu, d’autant que l’espace intérieur et donc le poids économisé par ce choix sont des facteurs limitant les coûts de production.
En partant de la même analyse, l’absence de tourelleau semble vouloir décharger le tireur d’une quelconque obligation de commandement et de coordination avec les autres engins. Le concept voulu par Hugh Elles peut se voir comme une nuée de fourmis évoluant vers un même but mais sans réelle coordination et collaboration entre elles.