Vickers-Armstrong tient ses délais de livraison pour le prototype, ce qui est d’autant plus appréciable que leur chef du bureau d’étude Carden, meurt dans un accident d’avion le 10 décembre 1935. En septembre 1936, le premier Matilda, officiellement désigné A11E1, arrive à l’établissement chargé d’expérimenter la mécanisation avant d’ensuite filer à Bovington pour y subir une batterie de tests. Pour réussir cette gageure, et diminuer au maximum les prix, de nombreux composants existants ont été recyclés.
Le moteur est un Ford V8 d’origine commerciale pouvant développer 70 cv tandis que la boîte de vitesses est du type Fordson. Elle est couplé au barbotin situé à l’arrière par l’intermédiaire d’un système de direction similaire à celui des chars légers Vickers.
La suspension diffère grandement de celle prévue au départ par l’initiateur du projet. En fait, c’est celle qui a également été utilisée sur le tracteur d’artillerie Medium Dragon qui est reprise. Elle descend en droite ligne du train de roulement monté sur le Vickers 6-Tons de 1929 qui, à l’époque, avait été condamné par les experts britanniques pour cause de manque de fiabilité. Bien entendu, avant d’être montée sur le A11E1, le dispositif a été revu. Aussi présente-t-il de sérieuses améliorations. Les chenilles sont quant à elles totalement dénudées. Lors des tests, elles ont la fâcheuse habitude d’emporter pierres et mottes de terre compactes, ce qui gêne le bon fonctionnement du barbotin et «bourre» le train de roulement.
Pour palier ce problème, le barbotin est élevé d’une dizaine de centimètres. Autre souci, le cerclage de caoutchouc des deux galets de roulement situés à l’arrière s’use trop vite. En conséquence, ces derniers sont remplacés par d’autres avec bande de roulement en acier.
Le pilote est assis à l’avant du char et au centre de la partie inférieure. Il dispose de sa propre écoutille d’accès qui, une fois relevée, empêche la rotation de la tourelle. Elle est percée d’une fente et équipée d’un périscope. Le moteur, séparé du pilote par une cloison, est monté à l’arrière de la caisse. Celle-ci possède un blindage riveté qui varie de 10 mm aux endroits les moins exposés à 65 mm sur l’arc frontal. Exceptionnelle pour l’époque, cette épaisseur traduit la réalité tactique qui veut qu’un char lent soit fatalement très exposé aux coups ennemis. Il se doit donc d’être immunisé par une cuirasse conséquente.
Réalisée en acier moulée, la tourelle est juste assez spacieuse pour accueillir la mitrailleuse protégée à l’extérieur par un manchon blindé ainsi que le buste supérieur du canonnier. Celui-ci peut donc difficilement assurer la tâche de chef de char qui lui est également assignée. Au combat, comme sur les chars français de type R-35, il est assis sur une simple courroie de cuir fixé sur les flancs intérieurs de son poste de combat. Il y accède par une écoutille à deux battants et n’a une vision du monde extérieur que grâce à un petit périscope.Le chef de char, déjà fort occupé par le service de sa pièce, doit descendre dans la caisse pour utiliser sa radio qui, modernité oblige, a finalement été montée sur les modèles de série. Cette disposition particulière est bien entendu provoquée par l’exiguïté de la tourelle.
Au total, 140 Matilda sont produits. En plus du prototype, deux commandes de 60 unités ont été successivement passées en avril 1937 et en mai 1938. Une dernière commande de 19 chars est réalisée en janvier 1939. Lors que les deux premières unités de la British Expeditionnary Force arrivent en France, elles disposent respectueusement de 35 et 23 exemplaires de l’Infantery Tank.
Lors de la bataille d’Arras montée à la hâte, les Matilda I se comportent relativement bien. Leur cuirasse leur assure une bonne protection contre les pièces antichars allemandes. Quelques-uns sont touchés à plusieurs reprises avant d’être arrêtés. Un chef de char raconte qu’un coup au but sur le manchon de sa mitrailleuse a projeté son arme en arrière si bien qu’il a été proprement "épinglé" dans son habitacle. Il ne s’en est sorti que très difficilement pour remettre son arme en service et repartir au combat.
Le talon d’Achille du petit canard reste ses chenilles qui ne sont pas protégées et résistent mal aux coups au but. En dépit de leurs efforts, les britanniques doivent lâcher prise au soir de la bataille. Les Matilda survivants sont abandonnés sur le continent au moment de l’évacuation de Dunkerque. Les derniers exemplaires restant sur l’île sont utilisés en tant que véhicules d’entraînement pour finir leur courte carrière comme cibles.