Tandis que la Heer se prépare à lancer l'opération amphibie "Seelöwe" ( lion de mer ) afin d'envahir l'Angleterre, les militaires anglais font l'inventaire des moyens dont ils disposent. Si les préparatifs germaniques ne sont qu'une manœuvre fictive ayant pour but de faire plier la population britannique, ils n'en demeurent pas moins une inquiétante réalité pour Londres. Il est vrai que la situation n'est guère brillante. Le Royaume-Uni manque de tout : canons, fusils...et évidement de chars.
Le projet le plus avancé est celui de l'A20. En dépit des indubitables progrès réalisés, la production d'une centaine de modèle est stoppé le 7 juin 1940. Depuis la défaite française, le concept d'Infantry Tank est remis en cause par le Blitzkrieg. La guerre de tranchée prévue par les britanniques n'aura donc pas lieu. Malgré tout, cette vision n'est pas encore très claire au sein du General Staff et, aussi dures soient-elles, les leçons sont trop fraîches pour être analysées froidement. Au final, le type de matériel à concevoir pour affronter les panzers est encore flou.
A la suite du désastre de Dunkerque, le besoin de réarmer à tout prix les troupes pousse le ministère de l'Equipement à se tourner vers la société Vauxhall de manière à ce qu'elle dérive des prototypes A20 un tank apte à affronter les panzers. Les Matilda et Valentine sont jugés inadaptés face aux chars allemands et il est obligatoire de leur trouver un successeur. S'inspirant du B1 Bis français, l'Infantry Tank en gestation ne répond pas non plus au mieux à la menace mais faute de mieux, les britanniques n'ont d'autres choix que se rabattre sur le seul projet viable à court terme.
Dans la précipitation, les travaux démarrent en juillet 1940 et doivent durer seulement une année. La production à grande échelle est planifiée et le Premier Ministre Winston Churchill décrète son arrivée au sein des unités pour le mois de mars 1941, avec pas moins de 500 exemplaires. Pourtant, le blindé n'a pas encore franchit le stade de la planche à dessin. Heureusement, l'A20 a défriché le gros du développement et les prototypes servent de démonstrateurs en vue de tester les différentes solutions techniques. Les plans sont prêts en août 1940 et les préséries sont terminées en décembre.
En juin 1941, les unités attendent impatiemment leur nouveau char. Cependant, sur les 500 exemplaires prévus, Vauxhall ne parvient à en livrer que 14 ! Le char prend la désignation A22 et est baptisé Churchill en référence au Premier Ministre notamment de sa puissance stature et de sa silhouette trapue.
Les A22 sont très loin d'être des réussites techniques : les chenilles tout comme les suspensions se brisent régulièrement. D'autre part, les joints, les boggies, les roulements à bille présentent une endurance insuffisante. Le peu de temps consacré à son dessin explique cette kyrielle d'anomalies. La pression exercée par un hypothétique débarquement allemand contraint les bureaux d'études à écouter les essais, et ce sont les équipages qui, sur le terrain essuient les plâtres. Malgré tout, la conception se révèle saine et sa robustesse lui autorise le plus souvent à regagner les ateliers par ses propres moyens. Pour fournir un suivi rapide, des techniciens de Vauxhall sont détachés en unité afin d'assurer les réparations urgentes et d'identifier les faiblesses avec l'aide de la troupe. Le travail de fiabilisation est si colossal qu'à plusieurs reprises, l'élaboration définitive de l'Infantry Tank manque de peu d'être stoppée.
Sans autres alternatives crédibles, le bureau de la guerre britannique ( War Office ) est condamné à poursuivre le programme et de lancer de nouvelles commandes. En effet, il est préférable d'avoir des chars manquants de fiabilité que de ne pas avoir de char du tout...