Au début du second conflit mondial, la Grande Bretagne est toujours ancrée dans la doctrine d'emploi de la première guerre mondiale. Le développement des chars est donc orienté vers 2 catégories : les uns lourdement blindés et lents, les autres faiblement blindés et rapides. Ainsi, lors de la campagne de France, les Mathilda I et II sont l'ossature des forces blindées britanniques. Si le premier n'offre aucun pouvoir antichar, le second est plutôt bien réussi et un sérieux concurrent en 1940. Toutefois, les développements de chars vont stagner, si bien qu'en 1942, l'Angleterre est en retard d'une génération de char par rapport à l'Allemagne. Le défaut principal des chars britanniques réside dans l'installation de canons trop légers, au pouvoir antichar très limité. Or, depuis avril 1941, l'arsenal britannique développe un canon antichar très performant : l'Ordnance Quick Firing 17 pounder Mk IV (76,2 mm). Il ne lui reste plus qu'à lui trouver une monture appropriée..
L'incapacité des armuriers britanniques à concevoir une pièce plus lourde, qui puisse être adaptée sur les chars de production, conduit en 1943 à une solution d'urgence consistant à modifier le canon 6 pounder (57 mm) pour en faire un canon de 75 mm tirant des munitions américaines. Le résultat est assez satisfaisant en général, mais décevant en matière de puissance antichar. En raison notamment d'un tube trop léger, cette pièce restera inférieure au canon américain de 75 mm. Les fabricants de canons ne sont pas les seuls responsables. En partie pour respecter les normes de transport par voie ferrée, les chars produits par la Grande-Bretagne sont plutôt étroits et ne disposent pas d'un puits de tourelle suffisamment large pour y installer un canon lourd. Le manque de discernement et d'anticipation des autorités militaires complète ce sombre tableau qui explique le rapport de force largement favorable aux allemands.
La rencontre avec les premiers Tiger en Tunisie va provoquer une prise de conscience lente mais salutaire. Si l'Allemagne peut aligner un char aussi puissant, peut être même en grand nombre à l'avenir, il va falloir lui trouver un adversaire à sa hauteur. Il suffit de considérer la multitude de rapports, de tests, de mesures dont les Tiger capturés ont fait l'objet, pour deviner combien les autorités militaires anglaises sont impressionnées par ce nouveau modèle. Toutefois, à l'été 1943, le Tiger est encore rare, le Panther à peine connu (il est utilisé pour la première fois à Koursk en juillet 1943) et les Panzer III et IV sont des cibles à la portée du tube de 75 mm du Sherman. Il faudra la vision et la conviction de quelques personnages d'autorité, ainsi que de l'ingéniosité et la persévérance d'une poignée d'ingénieurs et de techniciens, pour que le Sherman Firefly puisse voir le jour.